Journées Européennes du Patrimoine 2022

Le Creux de l'Enfer à la sous-préfecture de Thiers

Hors-les-murs

du 16 septembre
au 23 septembre 2022

Des oeuvres d’art contemporain répondant à la thématique du «patrimoine durable» investissent le parc et le bassin de la sous-préfecture de Thiers, ouverte pour la première fois au public à l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine 2022, dans le cadre d’un partenariat avec Le Creux de l’Enfer, centre d’art contemporain d’intérêt national. Les artistes Camille Grosperrin, Marjolaine Turpin, Sarah Laaroussi et Matteo Magnant y déploient des sculptures ou des installations qui dialoguent avec leur environnement.

Sarah Laaroussi et Matteo Magnant aiment employer les matériaux de leur environnement pour se jouer et redéfinir les symboles de notre Histoire commune. Vivant et travaillant à Thiers, ils s’imprègnent du passé médiéval et industriel de cette ville. Au centre du jardin, dressé, un arsenal de catapultes, tendues ou lâches, laissent peut-être à imaginer une scène figée d’une bataille sans guerrier. Bâtons taillés, troncs écorcés, voiles de métal et cordes végétales s’associent, se tiennent, se répondent. Un drapeau blanc flotte faussement comme dans un perpétuel mouvement, faisant allusion aux fantômes qui hantent peut-être encore le parc, autrefois cimetière de pestiférés.

Lorsque Camille Grosperrin s’est intéressée aux chenets zoomorphes des foyers gallo-romains, elle a découvert que l’étymologie du mot chenet découlait de chiennet (qui signifie également petit chien) et que la figure du chien s’était petit à petit substituée à celle du bélier pour orner ces éléments traditionnels du foyer. À la fois sculptures et objets utilitaires, pensées pour accueillir un feu, les « Chiennets » de Camille Grosperrin sont une interprétation de ces «petits chiens ridicules, courts sur pattes et au nez écrasé» que l’on trouve décrits dans plusieurs textes antiques. Ils aboutissent à une représentation animale cartoonesque, presque surnaturelle, avec des yeux exorbités et des oreilles démesurées qui semblent flotter, comme animées d’une vie propre. Les chiens reposent sur des socles réalisés en terre de briqueterie : une terre de travail, brute, rugueuse, qui accueille la partie utilitaire de la sculpture -le foyer- et fait écho à l’architecture des manufactures de céramiques du XIXème siècle, notamment à leurs fours et à leurs cheminées.

L'installation Lemna Minor évoque la végétation flottante des eaux stagnantes, notamment au sein des narses et tourbières : les petites lentilles d’eau, les lemna minor. Ces lentilles de verre, colorées et scintillantes, deviennent alors comme une évocation de ces endroits où la vie est complexe et dans un équilibre sensible. Présentées dans des espaces d’eau domestiques, elles tintent et brillent à la surface, reflétant une lumière colorée évoquant - par leur matière même - les résistances fragiles d’écosystèmes précieux.

 

 

Sarah Laaroussi et Matteo Magnant sont artistes et se sont rencontrés aux Beaux-Arts de Paris. Sarah questionne les conventions et les protocoles établis par l’installation et la performance participative. Elle remonte l’histoire de l’humanité pour trouver les formes et les expériences qui nous ont forgés en tant qu’humains. Matteo, lui, épuise son corps à l’ouvrage pour réincorporer les savoirs qu’il observe autour de lui, dans l’architecture des villes, dans l’atelier de tel ou tel artisan, dans les usines de production. Émus par la ville de Thiers et son histoire, ils s’y installent en 2020. Ensemble, ils créent des oeuvres à partir de matériaux bruts qu’ils travaillent à quatre mains, se transmettant gestes pratiques, savoirs techniques, histoires lointaines ou fictionnelles, et s’autorisant dans ce même temps à réfléchir à ce qu’il advient de notre monde. Leur pratique commune est un dialogue, une recherche multidimensionnelle qui révèle leur positionnement.

Camille Grosperrin pratique la céramique, le dessin et la vidéo. Avec une approche qui provient du modelage, elle fait naître des formes aux enjeux narratifs, à partir des histoires qu’elle collecte, d’anecdotes et de mythes qui constituent le point de départ de son travail de création. Née en 1988 en région parisienne, elle suit d’abord une formation en design textile à l’ESAA Duperré, avant de rejoindre en 2008 l’École des Arts Décoratifs de Strasbourg, où elle se familiarise au travail de la terre et des émaux dans l’atelier de l’artiste Elsa Sahal, et à la vidéo auprès du cinéaste Alain Della Negra. Diplômée en 2012, elle a vécu et travaillé à Paris, puis dans les Vosges, avant de s’installer en Auvergne en 2019. Elle a réalisé une résidence au Musée de la Céramique de Lezoux en 2020 qui a donné lieu à la réalisation de ses Chiennets, qui ont fait l’objet d’une exposition en 2021 au musée.

Marjolaine Turpin développe son travail dans un temps long. Sa démarche donne à voir ou à toucher des territoires déplacés, des captures, des gestes parfois emprunts d’une persistance absurde. Elle s’applique à prélever différents états précaires qui racontent les vies d’un lieu, laisse survenir les accidents de matière, les inscriptions ténues. Elle a récemment participé à des résidences et des expositions avec le centre d’art contemporain du Parc Saint Léger, l’IAC Villeurbanne/Rhône-Alpes, ou encore la Fondation d’Entreprise Martell, au sein de laquelle elle a notamment développé, en collaboration avec l’artiste Marion Chambinaud, une recherche autour de la matière du verre et ses irisations.