Charlie Boisson

Les moules à oublies

du 09 juillet
au 26 septembre 2021

Entre le moule à gaufres contemporain et le fer à hostie ecclésiastique se trouve un ustensile bien particulier destiné à la confection de pâtisseries : le moule à oublies. Composé de deux plaques métalliques ornées de motifs et de symboles, cet objet d’un autre âge témoigne d’une corporation de métier aujourd’hui disparue.

Marqué par une pratique de la sculpture et de l’assemblage d’objets dans laquelle le lien aux savoir-faire et à l’artisanat est essentiel, Charlie Boisson a décidé de mener un projet de réinterprétation de ces moules à oublies, liés à des savoir-faire techniques et artisanaux faisant écho à ses recherches plastiques.

Ainsi, durant le printemps 2021, cet ustensile d’origine médiévale a été la figure de proue d’une résidence de co-création, une entreprise commune entre Charlie Boisson et des volontaires du bassin thiernois, qui a permis de fabriquer de nouveaux moules à oublies par la refonte totale de l’ustensile et la recherche de nouvelles formes et de dessins en compagnie notamment de l’illustrateur et graveur Arnaud Descheemacker. Ce projet a abouti à la réalisation de huit moules grâce à l’aide du forgeron Pierre Pagès.

Charlie Boisson a exposé au Creux de l'enfer les pièces contemporaines nouvellement forgées et présenté le résultat de ses recherches et sa collaboration avec les volontaires dans le but de partager avec le public l’histoire de cet ustensile hors du temps.

« Voilà le plaisir »

Cuite entre deux matrices, l’oublie est une pâtisserie fine dont les origines remontent au Moyen-Âge. Considérée d’abord comme une hostie non consacrée, son nom dérive du mot latin oblata, signifiant offrande. Pâtisserie trop légère et trop difficile à réaliser chez soi, elle s’achetait prête à consommer. L’oublie a été rebaptisée « plaisir » au XIXème siècle, pour se conformer à la mode du temps. Le titre Voilà le plaisir y fait directement référence, avec une pointe d’humour.

C’était ordinairement pendant le carnaval, au coeur de l’hiver, que le commerce des oublies devenait conséquent : vers sept heures du soir, quand le couvre-feu avait sonné et que la nuit régnait, les confectionneurs et vendeurs d’oublies – appelés oublieurs - prenaient leur coffin rempli d’oublies qu’ils chargeaient sur leurs épaules, et jouaient leurs friandises aux dés ou à la loterie. Leurs tournées étaient accompagnées de chansons, qui étaient parfois préférées à leurs gâteaux, au point que les oublieurs étaient souvent invités à pénétrer dans les maisons pour égayer la fin des soupers.

Les moules à oublies réinterprétés

Les palettes rectangulaires de l’ustensile, presque toujours fines, sans rebord ni quadrillage, rappellent par leurs gravures l’univers d’une société paysanne avec ses coutumes et ses croyances.

Dans le cadre de sa résidence, Charlie Boisson a décidé de mener un projet de réinterprétation de ces moules avec des habitants de Thiers. À partir de recherches sur ces moules et sur la corporation des oublieurs, ils ont tenté ensemble de se libérer de l’imaginaire médiéval afin de produire un corpus de nouveaux motifs.

Les plateaux de jeu

Au Moyen-Âge, les oublies ne s’achetaient pas, mais se jouaient aux dés. Le client misait pour entrer dans le jeu et l’oublieur jetait les dés sur le dessus de son corbillon. Selon le résultat, le joueur gagnait ou perdait un nombre d’oublies précis. Lorsque le joueur décidait de jouer tout le corbillon, l’oublieur devait alors chanter une chanson.

Dans la société médiévale, l’action du jeu aléatoire renvoie au refus du possible, du probable et du monde scientifique, signe du destin et de l’au-delà.

A la croisée des croyances populaires et religieuses, le commerce des oublies témoigne d’un rapport au monde révolu, chargé d’un folklore et d’un imaginaire qui ont particulièrement suscité l’intérêt de Charlie Boisson. Les plateaux de jeux installés à terre font directement référence à ces jeux de hasard.


Né en 1980, Charlie Boisson est diplômé de l’École des beaux-arts de Saint-Étienne en 2005 ; il vit et travaille à Paris où il enseigne (Paris 1 Panthéon-Sorbonne).

Son travail de sculpteur a été présenté en 2018 à la 68e édition de la Jeune Création et a bénéficié d’une double exposition personnelle, La pantoufle invertie, à la galerie Tator et à Bikini, à Lyon. En 2017, il a pris part au Parcours St Germain et a figuré dans la sélection du 61e Salon de Montrouge en 2016. Il a également participé à la biennale off de Rennes à 40mcube en 2016 ainsi qu’au projet Open sky museum dans le cadre du programme « + de réalité » au Beaux-arts de Nantes en 2013. Sa dernière exposition personnelle s’est tenue en mai 2019 à L’ahah à Paris, plusieurs projets collectifs ont depuis montré son travail, notamment à l’espace Voltaire du Fonds de dotation Emerige dans le cadre de l’exposition Transfuges. Il a fait partie de la trentième édition de L’art dans les chapelles qui se tiendra en juillet 2021 à Pontivy.

La résidence et l’exposition de Charlie Boisson sont le fruit d’un partenariat avec la Ville de Saint-Étienne, en collaboration avec le dessinateur Arnaud Descheemacker et le forgeron Pierre Pagès. Charlie Boisson remercie pour leur implication dans le projet Dominique Godivier, Nabil Benider et Valérie Lefebvre ainsi que Clément Boucheron.