Introduction

Inauguré en décembre 1988, le centre d’art contemporain Le Creux de l’Enfer a accueilli, soutenu et financé un grand nombre d’expositions personnelles et collectives. Ainsi, plus de 300 artistes contemporains ont-ils pu investir les différents espaces et recoins de ce lieu de création atypique, pendant la préfiguration du centre par Francis Bentolila (1987-1989), puis sous les directions respectives de Laurence Gateau (1990-1999), Frédéric Bouglé (2000-2018) et Sophie Auger-Grappin (depuis 2018). Si aujourd’hui la renommée du Creux de l’Enfer est assurée sur le plan national et international, l’on s’étonne toujours de l’incroyable synergie d’acteurs audacieux et passionnés qui dès les années quatre-vingt ont su fédérer tant de personnalités. Le Creux de l’Enfer est le lieu d’engagements assez exceptionnels.

Inscrits dans le cadre du projet DRAC Auvergne-Rhône-Alpes “Mémoires des XXe et XXIe siècles”, en partenariat avec l’Université Jean Monnet de Saint-Etienne, les récits proposés sont des plongées documentées dans la riche histoire artistique du Creux de l’Enfer. Elaborées à partir de l’analyse d’un ensemble d’œuvres ou de projets singuliers conçus pour le centre d’art, ces histoires ne sauraient se substituer à l’histoire, bien plus dense, du centre d’art. Ainsi, aucune poursuite d’exhaustivité ne préside à ce travail de recherche conduit sur une année et demi, en regard de l’exploration de plus de trente années d’archives, enrichie d’entretiens actualisés avec des artistes et des acteurs de l’institution. Telles des “paroles”, nombre de citations extraites de ces passionnants échanges et souvenirs partagés, ponctuent librement ces histoires du Creux de l’Enfer, au fil de leur lecture.

Les parcours et mises en perspective proposés tentent de faire émerger des questionnements artistiques et esthétiques non chronologiques, suscités par le lieu lui-même. Ils se dessinent selon les problématiques suivantes : “Mises en situation”, “Réfléchir l’environnement”, “Le lieu comme matière”,  “L’art de la production”, “Esprits des lieux”, “Machineries”. En parallèle une occurrence “Les Enfants du Sabbat, la jeune création au Creux de l'Enfer”, a été développée par Loïc Borde, chercheur en histoire de l’art à l’Université de Clermont-Ferrand.

Si des artistes emblématiques de la scène picturale, photographique, et vidéographique nationale et internationale ont pu être invités à exposer au Creux de l’Enfer, ce regard aujourd’hui prend davantage appui sur des productions artistiques contextuelles qui ont fait l’objet d’une réelle documentation archivée. Les sources sont mentionnées sous forme de notes, à la fin de chaque texte. Une sélection de documents iconographiques contribue parallèlement à éclairer ces plongées dans l’histoire du Creux de l'Enfer(A).

Anne Favier, Maîtresse de conférences en Sciences de l’art, professeure agrégée d’arts plastiques, Université de Saint-Etienne, Unité de recherche ECLLA.


(A) J’ai conçu ce travail comme un jeu de piste : tandis qu’en 2020 s’amorçait une crise sanitaire inédite et que nous découvrions le confinement, je me suis totalement immergée dans cette histoire artistique aussi dense que ses archives sont ténues. En remontant le temps, par recoupements patients des mémoires vives et des bribes d’archives glanées, je rassemblais les indices, tentais de reconstituer des fragments d’expositions d’une période que je n’avais pas vécue, afin de réactiver des histoires d’expérimentations artistiques conçues pour ce lieu… jusqu’à les ressentir. Ce sont ces mémoires en creux, sous la forme de regards croisés, que je propose aujourd’hui de partager, alors que bien d’autres éclairages restent à imaginer. Anne Favier, avril 2022