Réfléchir l'environnement

Le Creux de l’Enfer est enchâssé sur le devers ouest d’une faille de granit, en sous-bassement de la ville fortifiée et en surplomb de la Durolle, entre haut et bas, ciel et rivière, ombres et lumières. Il s’insère dans “une nature âpre et rocheuse1” à la palette contrastée de mousses et de brique, qui aujourd’hui encore, semble ne rien avoir perdu de son pittoresque dépeint au XIXème siècle par George Sand. “Le Centre d’art esquisse sa vie dans la Vallée des Usines, un cadre aux couleurs bucoliques et romantiques, avec le charme des ruines recouvertes par le lierre… Sorte de tableau grandeur nature de Piranèse ou d’Hubert Robert.2

Les artistes contemporains ont pu considérer cette relation très forte au paysage et faire écho, à travers leurs œuvres, à la prégnance de l’environnement. Des dialogues "sur le motif" se sont ainsi développés, en prise directe avec le milieu, en résonance à ses configurations topographiques et hydrographiques, ou encore par réverbérations et révélations des qualités lumineuses et atmosphériques du site. Certaines créations, agencements optiques, installations sensibles, voire photosensibles ou constructions in situ, ont pu jouer du centre d’art comme d’un dispositif scopique et réfléchir plastiquement son environnement(A).

Dans les années 1830, le peintre Théodore Rousseau affilié à l’École de Barbizon3, déplace son chevalet dans les paysages montagneux d’Auvergne et dans la vallée thiernoise, séduit par la beauté mélancolique d’une nature perçue de manière romantique comme “sauvage”. L’esthétique de la ruine incarnée par des manufactures anciennes qui encadrent la Durolle4 l’attire également. Conscient de ces caractéristiques pittoresques (littéralement, ce qui est digne d’être peint) du paysage thiernois, l’artiste Damien Cabanes est invité par Frédéric Bouglé au printemps 2015, pour tirer “sur le motif" un portrait pictural du bâtiment du centre d’art dans son environnement, à l’échelle du grand mur d’exposition du rez-de-chaussée(B). In fine, le projet initial de la fresque se transforme en “Une semaine d’Enfer !5” : une épopée picturale inédite, pendant laquelle Damien Cabanes découvre et dépeint en même temps, les paysages du parc naturel du Livradois-Forez, les points de vue offerts par la ville haute ; il rencontre des familles locales, leurs enfants et mêmes leurs animaux domestiques, tel le chien “Jadis”, venu naturellement prendre la pose(C). Très rapidement, Cabanes compose un véritable album pictural de Thiers et de ses environs, de quoi investir l’intégralité du centre d’art l’année suivante. L’artiste peint d’après nature, mais si son processus pictural s’inscrit dans une histoire de la peinture de chevalet en plein-air, nulle langueur romantique ne se dégage de ses peintures à la touche incisive et aux teintes vives : “parfois les fonds sont contrastés d’un rouge très chaud, ça vibre beaucoup6”. Le peintre travaille à la gouache, sur de grands lés de papier disposés au sol. Les peintures sèchent très rapidement et ne sont jamais retouchées : “la saisie doit être de l’ordre de l’instantané, ce qui m’intéresse, c’est le point de contact avec la réalité7”. Le papier, froissé, déchiré par endroits, maculé de scories organiques est, sous les coups des pinceaux, comme estampé par le sol : les traces de l’acte pictural y sont enregistrées à la manière d’une photographie(D). La vigueur de la touche témoigne d’une traduction directe des sensations perçues in situ, de l’ivresse du peintre plongé tout à la fois dans le paysage à peindre et dans le paysage de la peinture elle-même8.

Quelques années auparavant, Florence Reymond exécute un triptyque à l’huile destiné au mur du fond du rez-de-chaussée, qu’elle intitule Thiers9, “une croix dont le jaune se détache sur le fond d’une autre nuance de la même couleur marque [le panneau] du centre. Les deux [panneaux] latéraux, plus vastes, figurent de façon abrégée, l’un une montagne pyramidale se terminant par une aiguille, l’autre une forme déchiquetée dont on ne sait s’il s’agit d’une caverne vue en coupe ou d’un squelette d’un monstre dans l’abdomen duquel grossirait un œuf ocre jaune10”. Si ce grand format n’a pas été peint d’après nature, la forte présence de la roche autour, et dans le Creux de l’Enfer lui-même, s’offre à l’exploration picturale comme motif. La “montagne” est ainsi “cent fois recommencée(E)”, pendant plus de deux années11. Par variation, schématisation, abstraction, stylisation : elle se décline en matrice primitive, relief symbolique, icône ornementale, offrande bouddhiste, montagnes noires, autel, etc., exposée sur les différents niveaux du centre d’art, au travers d’une gamme chromatique complexe des plus vibrantes(F).

En regard de cette présence géologique, l’artiste russe Yuri Leiderman réalise en 200212 une installation picturale participative, Geologists : North V. South, qui se déploie en une plateforme horizontale sur l’ensemble du rez-de-chaussée, comme une cartographie évoquant tout autant les paysages montagneux auvergnats et caucasiens. Il s’agit de la reconstitution d’un jeu d’enfant, tel un décor à grande échelle13, “un jeu grandeur humaine […] elle place le spectateur comme acteur(G).

A l’étage supérieur, Hubert Duprat, en 199414, invite le spectateur à parcourir le dessin d’une montagne reconstituée à l’horizontale en marqueterie de marbre rose, de buis et de béton, reprenant la technique a commesso(H) héritée de la Renaissance italienne. Les plaques de marbre d’Iran sont assemblées, ajustées et parfois gravées, les interstices sont jointés de ciment, l’ensemble étant arasé à niveau d’une chappe de béton moirée d’encre de Chine, de manière à redoubler intégralement la surface au sol(I). La tectonique de surfaces minérales et végétales polies révèle un ensemble de réseaux graphiques savamment ouvragé – redoublé par le veinage du marbre – qui déplace la représentation mimétique du paysage vers une écriture cartographique ou une coupe géologique. Le dispositif spéculaire est aussi fascinant que complexe : la verticalité du relief montagneux est basculée en une étendue bidimensionnelle horizontale, le paysage se déploie aussi à l’envers, comme l’image projetée d’un sténopé. Le haut permute avec le bas, les arbres en marqueterie de bois précieux, au sommet de la montagne, deviennent des racines : le paysage paraît s’inscrire à l’intérieur du centre d’art transformé en camera obscura. C’est comme une photo inversée entre ciel et terre […] le visiteur rentre par le ciel et rencontre l’intimité du dessin lorsqu’il marche sur la mosaïque15, souligne l'artiste. Au point de vue renversé répond aussi la permutation de la perception du spectateur, qui, après avoir foulé la plaine marquetée, contemple en plongée, depuis une mezzanine, la Montagne qui semble ainsi découler des baies vitrées ; pour Duprat, le marbre devient liquide16. Visuellement, en effet, l’installation s’anime des reflets et miroitements produits par la brillance des plaques de marbre ; elle devient photosensible.

Georges Rousse propose en 201417 une autre expérience scopique in situ avec une construction picturale en rouge et noir, intitulée Thiers, organisée selon les lois optiques de l’anamorphose, mais aussi en résonnance avec son environnement : l’installation […] se joue à la fois de la grande poulie de bois en arrière-plan et des poteaux métalliques […] nous sommes dans une ancienne friche industrielle […] les couleurs que j’ai choisies évoqueront la nuit et le feu18...(J) L’artiste expose conjointement son double photographique pris du point de vue précis où s’ajuste le système illusionniste. Dès lors, l’espace s’aplanit en une construction picturale en trompe-l’œil : une grande forme géométrique noir profond est traversée d’une oblique incandescente. Découvrant les coulisses du dispositif spatial en contrepoint de l’image photographique, le visiteur déconstruit et reconstruit le simulacre optique(K).

Hautement contrastées, les qualités lumineuses du centre d’art favorisent des dispositifs littéralement photographiques. En parallèle d’un accrochage de tirages photographiques et de caissons lumineux19, Claire Chevrier réalise en 1997, au sous-sol, une installation à processus photographique, de manière à révéler le lieu, donner une matière aux ombres20, précise-t-elle. Trois grands tirages bleus aux nuances mordorées, tels des photogrammes en positif direct, traduisent photographiquement la lumière qui traverse l’architecture(L) ; […] le soleil est rapidement caché, le lieu est rapidement dans l’ombre, mais lorsque la lumière est là, elle révèle toutes les fenêtres21”. Les empreintes lumineuses des baies vitrées sont précairement fixées sur le papier photosensible, et les tirages éphémères s’effacent petit à petit.

Si les différents niveaux du centre d’art sont traversés de lumière naturelle, le plateau supérieur est particulièrement ensoleillé, à l’instar de la ville haute qui séduisit Louis Daguerre22, l’un des inventeurs de la photographie. Pour l’exposition inaugurale en 1988, en parallèle de l’installation de George Trakas, l’artiste français Marc Couturier souligne la luminescence du lieu avec Hostia, un immense disque vertical fabriqué par assemblage de plaques d’hostie translucides, dont la structure orthonormée réfléchit également celle des baies vitrées(M). Comme un capteur qui fait apparaitre et resplendir la lumière changeante, le disque blanc opalescent est aussi chargé d’une aura toute symbolique, voire mystique !

L’intensité des modulations lumineuses est également donnée à percevoir lors de l’exposition collective Glissements23 conçue en 1994 par Laurence Gateau en partant d’un questionnement sur l’esthétique de la mouvance et de la transformation. Dans l’espace sombre de la grotte percé d’une ouverture sur l’extérieur, l’artiste belge Ann Veronica Janssens estampe ainsi la paroi rocheuse en papier d’aluminium de manière à délimiter une surface quadrangulaire : l’écran réfléchissant est dès lors sans cesse modifié par les variations des ombres et des lumières naturelles24". En parallèle, les reflets glissent et les couleurs se métamorphosent en permanence sur les travaux plats du Suisse Adrian Schiess, et produisent, selon ses propres termes, un espace phénoménologique de la peinture25. Des panneaux rectangulaires monochromes sont déposés à l’horizontale comme des bandes de couleur – verte, orangée, violette – en affleurant de la façade vitrée qu’ils prolongent. Les modules d’aluminium laqué, telles des plaques sensibles, captent et réfléchissent les phénomènes atmosphériques fluctuants, et interfèrent en profondeur avec leur milieu, comme des plans d’eau26(N).

Quand Per Barclay revient au Creux de l’Enfer en 201527, il installe au rez-de-chaussée l’une de ses emblématiques chambre d’huile, (le cas échéant, un bassin de 20 m2 d’une faible profondeur, rempli d’huile de colza teintée en noir), sous la poulie industrielle, inscrite entre les quatre poteaux de soutènement. L’étendue géométrique, comme un miroir noir, reflète le plafond et ses stigmates, en même temps qu’elle suggère une profondeur insondable(O). J’aime travailler avec des liquides parce qu’en plus de l’effet miroir, ça donne de la profondeur28, souligne l’artiste norvégien dont la première exposition personnelle en France s’est tenue à Thiers, dans ces mêmes espaces, en 199129. Sur l’ensemble des niveaux, l’artiste avait alors disposé et assemblé des bacs d’acier et de verre, remplis d’huile de vidange sombre et lourde, ou d’eau légèrement remuée par un système de pompe hydraulique. Par contraste, les sculptures opéraient là aussi comme des dispositifs révélateurs de leur environnement, notamment vis-à-vis de la présence réelle de l’eau qui traverse le bâtiment et résonne de toute part.

En 2020, Nicolas Deshayes30 installe un bassin d’eau ajusté aux dimensions du rez-de chaussée pour accueillir un ballet de fontaines en fonte d’aluminium, tels des “lombrics dressés ondulants31”. De cet ensemble de tuyauteries sculptées aux silhouettes grotesques et à l’allure viscérale – tirées à partir de moulages de sinuosités en mousse polyuréthanne – s’écoule en continu d’espiègles filets d’eau, en contrepoint du “vrombissement puissant de la cascade qui se déverse au pied du bâtiment(P).”

La Durolle est élevée au rang de mythe par les Thiernois32, l’énergie de cette rivière nerveuse fascine par sa présence et sa puissance ; Mère de l’industrie coutelière […] canalisée et aménagée par les hommes dès le Moyen-Âge, c’est elle qui, par sa force torrentueuse, va faire tourner moulins et usines jusque dans les années 193033. Avant même la création du centre d’art, l’artiste québécois George Trakas34, invité en 1985 à participer au Symposium de sculpture monumentale, souhaite travailler au plus près de l’eau : pendant deux semaines il ouvrage un parcours de passerelles et d’escaliers en acier de chaque côté de la rivière, au pied du bâtiment et en contiguïté avec la roche, jusqu’à la violente et superbe chute d’eau35, aussi nommée Creux de l’Enfer. Les structures métalliques surlignent l’encorbellement du bâti et courent le long de la rivière ; en acier, elles se teintent très vite d’un rouge poudreux, couleur de terre, tel que le souhaitait l’artiste, afin de rappeler l’origine du métal. Leur largeur correspond à la taille d’une seule personne : ainsi, au ras de l’eau, l’expérience de leur parcours est intime, immersif et viscéral. Avec mes passerelles, j’ai amené les gens près de l’eau pour qu’ils éprouvent les mêmes sentiments que les premiers humains qui se sont installés ici36, souligne l'artiste(Q). Chaque jour des Thiernois venaient me rendre visite, ils me disaient qu’il fallait que je revienne pour bâtir un pont qui traverserait la chute. Avant de partir, j’ai suspendu une corde pour définir l’axe du pont. L’hiver suivant, j’ai reçu des photographies de la corde gelée pour m’indiquer que le pont commençait à se faire37.

En inox poli comme un miroir, le pont suspendu au-dessus de la chute d’eau est véritablement installé en décembre 1988, lors de l’ouverture publique du centre d’art. Il est nommé Pont de l’épée, en raison de la courbure de sa ligne – telle une lame –, et surtout de son éclat : il reflét[ait]38la Durolle dont il tranche le fil de l'eau(R).Cette installation est plus ou moins la représentation symbolique de l’eau, de son flux, de sa force qui sont l’histoire de ce site38, explicite à son tour Tadashi Kawamata en 2005, lors de la conception de l’exposition Détour des tours40. En écho à l’énergie de la rivière qui a sculpté la vallée, l’artiste japonais fait construire sur pilotis une véritable rivière de planches de bois41 superposées qui s’engage littéralement dans le bâtiment depuis la porte d’entrée. Le lieu est ainsi métaphoriquement irrigué par une Durolle détournée – comme si l’eau avait envahi l’espace42, tout comme le son de la rivière qui le traverse en permanence – scindant le rez-de-chaussée à mi-hauteur, en deux niveaux. Quand le spectateur quitte le soubassement flottant en montant les escaliers qui mènent à l’étage supérieur, et que la sculpture-plafond devient sculpture-plancher43, il se déplace entre deux eaux et transite de la profondeur vers la surface, de la pénombre vers la lumière.

En 2001, Saâdane Afif imagine un projet démesuré : détourner également la Durolle et creuser la montagne pour faire passer le torrent dans le centre d’art et ainsi transformer le bâtiment en une fontaine géante44. La démesure du fantasme scénarisé se traduit dans le cadre de son exposition Mise à flot45, au travers d’une importante maquette du Creux de l’Enfer et de son environnement géologique. “J’ai aussi voulu utiliser le torrent comme métaphore d’une double énergie celle du travail artistique et celle du beau travail de l’ouvrier – et le faire passer à l’intérieur du lieu46.” Le modello en bois réalisé par Marc Saussier, décorateur de cinéma, se présente au rez-de-chaussée, à hauteur humaine, comme une mise en abyme architecturale. Sur la façade du bâtiment, Saâdane Afif, en maître d’œuvre, fait accrocher par une équipe d’alpinistes un panneau réalisé par Jean-Louis Magnol, peintre d’enseigne à Thiers, à partir d’un dessin original du projet d’immersion, peint à l’aérographe par l’artiste Delphine Coindet(S). La maquette monumentale hyperréaliste aurait pu donner lieu à un film47, souligne Afif. Par un système de pompe directement reliée à la rivière en contrebas, le modèle réduit est véritablement inondé en continu par le flux de la Durolle, utilisée et détournée depuis le XVème siècle par les manufactures de papier et de coutellerie, comme source d’énergie ou comme fluide de trempe. Au fil de l’exposition Mise à flot, l’eau canalisée creuse son lit dans la réplique du centre d’art.

Anne Favier

 

NOTES:
1. George Sand, La ville noire, 1860.
2. Frédéric Bouglé, Histoire d’un site, mémoire d’un centre d’art. Du “rocher saint Genès” au centre d’art contemporain, le Creux de l’Enfer, archives du Creux de l’Enfer.
3. Le qualificatif École de Barbizon”, forgé à la fin du XIXème siècle, est usité pour qualifier les peintres de paysage qui dès le premier quart du XIXème siècle ont travaillé en plein air, sur le motif, c’est-à-dire d’après nature, annonçant ainsi le courant impressionniste.
4.  Théodore Rousseau, La Vanne : les papeteries de Thiers, vers 1830, huile sur toile, 30 x 38 cm, coll. du Musée du Louvre.
5.  Exposition Damien Cabanes, Une semaine d’Enfer !, commissariat Frédéric Bouglé, 15 juin -11 sept. 2016
6. Damien Cabanes, Entretien avec l’artiste, juillet 2021.
7. Damien Cabanes, Entretien avec Frédéric Bouglé, in catalogue Damien Cabanes : Une semaine d'Enfer ! au Creux de l'Enfer, Thiers, Le Creux de l’Enfer, coll. Mes pas à faire, 2016, p. 48.
8. L’artiste rappelle volontiers qu’il a fait son apprentissage auprès du peintre Olivier Debré.
9. Thiers, 2012-2013, huile sur toile, 300 x 650 cm.
10. Philippe Dagen, Au Creux de l'Enfer vous verrez jaune vert et brun » in Le Monde du 1er août 2013.
11. Exposition Florence Reymond, La Montagne cent fois recommencée, du 22 mai-15 sept. 2013, commissariat Frédéric Bouglé.
12. Exposition Yuri Leiderman, South vs North, commissariat Frédéric Bouglé, 31 mars - 2 juin 2002.
13. “Les géologues est un jeu pour deux personnes. Un joueur emprunte la piste nord, l’autre la piste sud. Lancer le dé à tour de rôle et avancer en fonction du chiffre sorti pour suivre votre parcours. Quand un joueur tombe sur un puits, il utilise la foreuse aimantée (pion), afin d’extraire un disque représentant un minerai correspondant à un nombre de points…”, archives du Creux de l’Enfer.
14. Exposition Hubert Duprat, Du champ d’expérimentation à la théorie du chantier, 21 juillet - 2 octobre 1994, commissariat Laurence Gateau. La Montagne est une installation de 220 m2, coproduite par Le Creux de l’Enfer et le Frac Languedoc-Roussillon. Au rez-de-chaussée, les deux œuvres Cassé-Collé ont également été produites pour le Creux de l’Enfer. Là aussi, l’œuvre minérale relève du processus de la reconstitution : deux énormes pierres sont cassées au marteau piqueur, et rassemblées en écho à l’unité originelle. L’une de ces œuvres a été acquise par le Frac Bourgogne.
15. Hubert Duprat, entretien avec l’artiste, octobre 2020.
16. Ibid.
17.
Exposition Georges Rousse, Le Feu, le Rouge et le Noir, commissariat Frédéric Bouglé, 4 juin - 14 sept. 2014. En parallèle de son installation in situ produite par le Creux de l’Enfer, un ensemble de tirages photographiques qui émanent d’autres projets étaient exposés.
18. Entretien entre Georges Rousse et Frédéric Bouglé, 2015, archives du Creux de l’Enfer.
19. Exposition Claire Chevrier, commissariat Laurence Gateau, 8 oct. - 24 nov., 1997. Voir également infra, Anne Favier, L’art de la production”.
20. Entretien avec l’artiste, janvier 2021.
21. Claire Chevrier, notes de l’artiste pour le projet au Creux de l’Enfer, archives transmises par l’artiste.
22. Louis Daguerre, inventeur du daguerréotype, a résidé à Thiers entre 1833 et 1846. Une rue porte toujours le nom de Louis Daguerre.
23. Exposition Glissements, avec Ann Veronica Janssens, Adrian Schiess, Jan de Vries et Craig Hood, commissariat Laurence Gateau, 16 avril - 12 juin 1994.
24. Laurence Gateau, texte de présentation de l’exposition Glissements, 1994.
25. Adrian Schiess, document tapuscrit, archives du Creux de l’Enfer, également traduit en ligne.
26. Ibid.
27. Exposition Per Barclay, Hors échelle, commissariat Frédéric Bouglé, 14 oct. 2015 - 31 janvier 2016.
28. Exposition Per Barclay, commissariat Laurence Gateau, 26 avril - 16 juin 1991.
29. Art. (non signé), La Gazette, Thiers, 26 janvier 1991.
30. Exposition Nicolas Deshayes, Gargouilles, commissariat Sophie Auger-Grappin, 23 oct. – 06 février 2022.
31. Sophie Auger-Grappin, texte de présentation de l’exposition Nicolas Deshayes, Gargouilles.
32. Xavier Fabre, entretien avec l’architecte, juin 2021. Voir infra, Anne Favier, « Mises en situation ».
33. Brigitte Liabeuf, Introduction, in La vallée des Rouets, Musée de la coutellerie Thiers, coll. Regards et mémoire, 1997, p. 3.
34. Voir infra, Anne Favier, Mises en situation et L’art de la production (pour le Symposium National d’art métallique).
35. George Sand, La ville noire, op. cit.
36. George Trakas, entretien in Le Thiernois n° 48, déc. 95.
37. George Trakas, Monographie George Trakas, Building Inside and Out, sous la dir. de Valérie Cudel, Captures éditions, p. 57. (à paraître)
38. Aujourd’hui, 35 ans après la réalisation de l’œuvre, la structure endommagée ne peut plus être franchie, la hauteur des gardes corps ne répond pas aux normes en vigueur et l’inox dépoli n’offre plus de qualités réfléchissantes. Des travaux de restauration sont aujourd’hui envisagés.
39. Tadashi Kawamata, entretien filmé avec Frédéric Bouglé, 2005, Archives du Creux de l’Enfer.
40. Exposition Tadashi Kawamata, Détour des tours, commissariat Frédéric Bouglé, 25 juin – 25 sept. 2005, en partenariat avec l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux-Arts de Lyon, en collaboration active avec les étudiants.
41. L’artiste reprend ce dispositif au Centre Pompidou Metz en 2016 : Tadashi Kawamata, Under the Water, du 6 février au 15 août 2016.
42. Tadashi Kawamata, entretien filmé avec Frédéric Bouglé, Ibid.
43. Evence Verdier, Tadashi Kawamata : Le Creux de l'Enfer, Thiers ; Le château des Adhémar, Montélimar, 25 juin - 25 septembre 2005, Artpress, oct. 2005.
44. Saâdane Afif, entretien avec l’artiste, janvier 2021.
45. Exposition Saâdane Afif, Mise à flot, commissariat Frédéric Bouglé, 20 oct. - 30 déc. 2001. L’exposition répartie sur l’ensemble des trois niveaux comprend une pluralité d’installations, elle est aussi l’occasion de multiples collaborations, et de performances, avec Delphine Coindet, Karim Ghelloussi, Lili Reynaud, Flavie Pinatel, Chourouk Hriech, Pascale Poignot. Il fallait habiter le lieu [précise aujourd’hui l’artiste], mais rétrospectivement, c’était trop, il ne faudrait garder que la maquette et le panneau. Cet ensemble a été acquis en 2006 par l’Institut d’art contemporain Rhône - Alpes: Mise à flot (la maquette), Installation, maquette du centre d'art contemporain de Thiers, bois, plâtre, plexiglas, peinture, pompe à eau, tuyau, eau, surface d'exposition minimum : 600 x 600 x 400 cm ; Mise à flot (le panneau), Installation, polyptyque, peinture à l'aérographe sur panneau acier, 300 x 400 cm.
46. Saâdane Afif, entretien avec l’artiste, Ibid.
47. Ibid.

 

Paroles


(A) Le lieu est tellement présent qu’il faut en faire un allié, travailler en adéquation avec cet environnement. Jean-Louis Trocherie, assistant de direction du Creux de l’Enfer (1991- 2001), entretien, avril 2021.

(B) C’était un portrait du Centre d’art avec le relief de la colline derrière, et les maisons en espalier, que j’ai réalisé depuis le petit parking qui se trouve juste en face. Je suis resté sur place pendant 5h à travailler, il faisait au moins 30°. Le polyptique composé de cinq lés de papier faisait 6 mètres de long : c’est la plus grande peinture que j’ai jamais réalisée de ma vie de peintre. Damien Cabanes, entretien avec l’artiste, juillet 2021.

(C) Je ne connaissais pas Thiers et je n’apprécie pas le principe de la résidence d’artiste. Au début, je venais juste faire une grande peinture à l’échelle d’un mur. Après cette première journée de travail, l’on venait me chercher tous les matins à 8h, pour m’emmener sur différents motifs - au Lac de Saint-Rémy-sur Durolle par exemple. A Thiers les gens, les enfants, les animaux venaient poser. C’était la première fois que je peignais des animaux. Pendant ces cinq jours de travail, il y a eu une dépense d’énergie incroyable ; j’ai produit environ 100 mètres de peinture. De quoi remplir tout le centre d’art, ce qui n’était pas du tout prévu au départ ! Damien Cabanes, entretien avec l’artiste, juillet 2021.

(D) Je peins au sol. Quand ce sont de grands formats, je suis à quatre pattes dessus. Le papier est comme gaufré par les cailloux qui le perforent, il y a de la terre, de l’herbe qui peut se mélanger à la peinture … c’est important de conserver tout ce qu’il se passe à ce moment-là, de garder toutes les traces du processus.  Damien Cabanes, entretien avec l’artiste, Juillet 2021.

(E) Les toiles ont été spécialement conçues pour le lieu, pendant deux ans. Le motif de la montagne s’est dessiné à partir de la rencontre du site. Mais il ne s’agissait pas de représenter le rocher sur lequel s’adosse le centre d’art. C’est un volume, avec une dimension géologique mais aussi symbolique et spirituelle : la croix rappelle aussi les légendes autour du Creux de l’Enfer… Pour produire le triptyque de 6 mètres de long, j’ai dû trouver un atelier plus grand. Florence Reymond, entretien avec l’artiste, avril 2021.

(F) Je revenais d’un voyage en Inde. Je voulais des salles de couleur et de très grandes toiles. La couleur jaune est vraiment venue au Creux de l’Enfer, pour apporter de la lumière dans ce lieu qui pouvait être très sombre. Florence Reymond, entretien avec l’artiste, avril 2021.

(G) Le Nord contre le Sud, laisse supposer un versant d’interprétation politico-économique : La présence de deux équipes sur un même terrain dont les enjeux sont motivés par des ressources souterraines à puiser et à épuiser, tels les gains d’un jeu. Frédéric Bouglé, texte de présentation de l’exposition, 2002.

(H) La Montagne crée pour Thiers renvoyait au pavement de la Cathédrale de Sienne (Allégorie de la colline de la Sagesse). J’avais déjà travaillé la marqueterie, mais c’est la seule marqueterie de marbre a commesso, de type pavement en mosaïque que j’ai réalisée. Hubert Duprat, entretien avec l’artiste, octobre 2020.

(I) Le trajet en camion depuis Carrare pour transporter le marbre, c’était épique ! Ensuite sur place, j’ai travaillé avec des assistants de Limoges pendant un mois à pour ajuster les plaques découpées. Hubert Duprat, entretien avec l’artiste, octobre 2020.

(J) Il reste aujourd’hui encore une petite surface de peinture noire sur la roue de la poulie. Ludovic Jouet, régisseur au centre d’art depuis 2013.

(K) Ce qui est nouveau pour moi, c’est que j’ai réalisé une véritable sculpture dont on peut faire le tour car l’arrière est également peint, alors que d’habitude je ne travaille pas sur ce qu’on ne voit pas sur la photo. Georges Rousse, in La Montagne, 14 juillet 2014.

(L) J’ai détourné la technique de la diazographie, encore utilisée à l’époque par les architectes… ce sont des contacts positifs sensibilisés à l’ammoniaque. Ça va très vite, c’est aussi très fragile. Les tirages ont été faits sur place à partir de la lumière qui venait des fenêtres, pour être ensuite directement collés sur les murs adjacents. Claire Chevrier, entretien avec l’artiste, janvier 2021.

(M) Les feuilles d’hostie appliquées sur plexiglas s’emboitaient dans un système de feuillure qui s’amincissait sur les bords ; tout a été fait à la main, à l’époque c’était très compliqué avec les outils dont nous disposions. Quand l’œuvre a été mise en situation, ça a été un choc avec la lumière changeante du jour ! Entretien avec Daniel Blonski, PDG de l’entreprise AOT et trésorier du Creux de l’Enfer (2001-2012).

(N) […] admettre la mouvance plus que la forme, c’est d’abord changer le rôle du jour et de la lumière… Laurence Gateau, notes sur l’exposition, 1994.

(O) L’installation à Thiers [est…] comme un tableau, comme un monochrome noir qui reflète tout l’espace. […] Le lieu est important car ce n’est pas un white cube, pas un endroit neutre… il faut travailler énormément dessus. Per Barclay, entretien filmé avec Frédéric Bougé, 2016, archives du Creux de l’Enfer.

(P) [Les fontaines] animent une chorégraphie gracile et silencieuse […]. Affairées à un plaisir intime plus ou moins assumé, elles crachent, fouillent, pissent, éjaculent, semblant célébrer la fertilité des mondes aquatiques et souterrains. Sophie Auger-Grappin, texte de présentation de l’exposition, 2020.

(Q) Trakas nous amenait à être immersion avec la nature déjà là, c’était une expérience très physique de l’environnement. Jacques Bechon, entretien, mars 2021.

(R) Je me suis dit : en inox poli, ça va disparaitre avec la réflexion de l’eau. George Trakas, in La Montagne du 25 octobre 1994.

(S) C’est vraiment au Creux de l’Enfer que se met en place les modalités du travail artistique que je développe aujourd’hui : la question du protocole, les processus de collaborations artistiques et le système de commandes pour faire appel à des savoir-faire techniques, mais aussi la mise en abyme, la fiction, le détournement des codes de l’architecture, etc. Le titre de l’exposition, Mise à flot, renvoyait également au lancement d’une pratique artistique. C’est une sorte d’autoportrait ! Saâdane Afif, entretien avec l’artiste, janvier 2021. 

, Martine Feipel, entretien avec l’artiste, nov. 2020.