Alexis Guillier

Notre-Dame de France

du 12 octobre 2019
au 02 février 2020

Issue de Reworks, projet initié par Alexis Guillier en 2009 autour de la déformation matérielle des oeuvres et de la circulation des images, l’exposition du Creux de l’enfer s’attache non sans ironie à Notre-Dame de France, statue monumentale de Vierge à l’enfant surplombant la ville du Puy-en-Velay. Née en 1860 du fer de canons pris à Sébastopol, cette statue a suscité l’intérêt de l’artiste par son histoire complexe, qui en fait une figure fascinante.
Au sein de son installation, l’espace du centre d’art se transforme en un paysage artificiel, rappelant les décors fantasmagoriques de studios de cinéma et les mises en scène de théâtre. Dans cet espace de projection, à la limite de la reconstitution, le visiteur est livré à une expérience physique de la statue monumentale, dont la présence visuelle et sonore innerve entièrement les lieux.

Narratrice de son histoire complexe, la statue s’incarne et fait entendre sa voix au sein d’un film en deux parties, qui révèle par le biais de références, de citations et de documents d’archives les tensions entre les fantasmes qu’elle a suscités et son propre ressenti. Ces deux projections s’intègrent au sein de deux éléments architecturaux qui évoquent le socle monumental de la statue.

Au rez-de-chaussée, le film projeté insiste sur la genèse de la statue et sur le rôle qui lui a été attribué par la société du 19ème siècle, dans un contexte militaire, religieux et politique qui fait écho à des problématiques d’actualité.
Déjouant les visions masculines et patriarcales qui ont pu lui être associées, la statue s’exprime de manière différente à l’étage : une vision plus intime, féministe et critique de son propre corps révèle une histoire des représentations et des mentalités.

Parallèlement, la déambulation dans l’exposition est ponctuée d’artefacts, qui évoquent les constructions mentales autour de cette statue et révèlent un jeu subtil de proportions et d’échelles.
Ainsi, une réinterprétation miniature et brillante du rocher de la Vierge suggère une vision rêvée du paysage, en contrepoint du socle rouge monumental à proximité et du rocher contre lequel le centre d’art est lui-même construit, comme un reflet déroutant.

A l’étage, une série de bouteilles de liqueur à l’effigie de la statue, issues de soufflage de verre dans des moules industriels produits pour le centenaire de son inauguration, semble tout à la fois accroître son aura sacrée et plonger la figure de la Vierge dans la culture populaire. Tandis que la transparence du verre traversé de faisceaux lumineux évoque une apparition scintillante presque surnaturelle, la reproduction en série laisse place à une dimension plus populaire, tout en révélant les défauts de production : les visages y sont absents, les membres tronqués.

De projections vidéos en projections mentales, Alexis Guillier charge ainsi l’espace d’exposition de visions et d’interprétations, proposant une super-synthèse des différentes dimensions de la statue, qui se révèle être une héroïne saturée de paradoxes, tout autant symbole de puissance et de domination que femme en révolte contre sa propre condition.

Making-of des expositions

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d'Alexis Guillier et Pauline Toyer

Le travail d'Alexis Guillier prend la forme de performances, de films, de textes ou d’installations, qui se présentent comme des montages narratifs, nés d’investigations documentaires et de terrain au coeur de l’histoire collective ou individuelle. Ses sujets de recherches le poussent à observer la circulation des images et des productions culturelles en s’intéressant aux échos et interactions entre actions personnelles et histoires souvent nationales, sous un angle tant esthétique qu’anthropologique.

Alexis Guillier est intervenu ou a participé à des expositions dans différents lieux dont le Centre Pompidou, le Palais de Tokyo, la Fondation Ricard, le BAL, le MAC VAL, le Plateau FRAC Ile-de-France, la Biennale de Belleville ou encore les Laboratoires d’Aubervilliers, le centre d’art Micro-Onde à Vélizy-Villacoublay, le centre d’art image/imatge à Orthez et la Walter Phillips Gallery à Banff au Canada.

Exposition associée à la 15e Biennale de Lyon.

L’exposition d’Alexis Guillier a été produite en partenariat avec l’ESACM et la Coopérative de recherche, la Bibliothèque Sainte-Barbe de Paris et l’Institut pour la photographie de Lille.